Nouveau rebondissement dans l'affaire des vaches mortes et des éleveurs malades à Nozay (Loire-Atlantique). Des analyses biologiques ont révélé une contamination aux terres rares.

Mardi 25 février 2020. Il n’est pas encore midi mais Didier Potiron, éleveur de vaches laitières à Puceul, près de Nozay (Loire-Atlantique) annonce déjà « trois vaches mortes aujourd’hui » ! Complications suite à un vêlage, chute d’immunité ou encore « raison inconnue » pour la troisième, sont les explications données, sur un ton complètement désabusé, par l’agriculteur.
Il faut dire que ces morts de vaches et de veaux, sa femme et lui – tout comme leur voisine agricultrice Céline Bouvet – les subissent depuis maintenant huit ans et la construction du fameux parc éolien des Quatre seigneurs, à cheval sur les communes de Puceul, Nozay, Abbaretz et Saffré.
Une nouvelle mission d’enquête annoncée par l’Etat français
Concernant les actions de l’État dans ce dossier, Didier Potiron annonce :
Une mission d’enquête doit être envoyée par l’Élysée pour retravailler sur tous les rapports d’expertise qui ont déjà été faits, pour refaire un nouveau rapport. Le député Yves Daniel a toujours espoir de mettre le site hors tension dans le cadre de cette mission d’enquête. C’est lui qui fait la démarche auprès des ministères. Mais on ne nous a donné absolument aucune date.
Quant au test qui avait été annoncé en octobre dernier par Serge Boulanger, secrétaire général de la Préfecture de Loire-Atlantique, concernant un câble Enedis de 20 000 volts enterré, il n’aura finalement pas lieu : « Il ne sera pas passé en aérien car Enedis a refusé cette expérimentation », indique Didier Potiron.
Les éleveurs collaborent avec le labo indépendant ToxSeek
Le couple d’éleveurs n’est cependant pas resté les bras croisés, cet hiver. Alors que les expertises gouvernementales semblent pédaler dans la semoule, il a accepté de collaborer aux tests menés par le laboratoire biologique indépendant de l’association ToxSeek urgence. Des tests similaires avaient été effectués à l’automne 2019 sur des enfants de Sainte-Pazanne, dans le contexte du scandale lié à une recrudescence de cancers pédiatriques dans cette petite commune de Loire-Atlantique.
« Ils sont venus prélever des poils sur nos animaux et des cheveux de la famille, ainsi que chez certains autres riverains », explique l’éleveur. Des prélèvements qui ont eu lieu en deux temps : « En décembre et environ un mois après
Les résultats des analyses toxicologiques apportent un nouvel éclairage à ce dossier complexe :
On subit une contamination aux terres rares. Ce sont des minerais utilisés notamment pour les batteries de téléphone et dans certaines éoliennes…
Les « terres rares désignent en effet 17 métaux. Ces matières minérales aux propriétés exceptionnelles sont utilisées dans la fabrication de produits de haute technologie » (source : Géo.fr), comme les téléphones portables, les lasers, ou encore les aimants permanents qui équipent certaines éoliennes. Ces terres rares sont extrêmement réactifs aux champs magnétiques
Des profils identiques à ceux de Sainte-Pazanne
Dans un communiqué « validé par le comité scientifique de ToxSeek », explique Matthieu Davoli, président de l’association ToxSeek urgence, voici ce qui est précisé :
Nous avons procédé à des analyses toxicologiques sur les cheveux de quatre membres de la famille Potiron. Le comité scientifique ToxSeek, présidé par le Dr Sadeg, a identifié un profil de contamination aux métaux et terres rares pour deux personnes. Ce profil de contamination avait déjà été trouvé dans le cadre de notre action avec le collectif Stop aux cancers de nos enfants à Sainte-Pazanne.
Plus surprenant encore pour les scientifiques de ToxSeek :
Les analyses toxicologiques des poils [des vaches et veaux] ont révélé que deux-tiers des animaux présentent une contamination aux métaux deux fois supérieure à la moyenne d’une population d’animaux témoins supposés sains (issus d’un élevage à 8 km de l’exploitation de Mr Potiron).
La même contamination aux terres rares chez les animaux

Contacté par téléphone, Matthieu Davoli précise qu’ « on ne peut pas parler de profil de contamination chez les animaux car il n’existe pas de seuil sanitaire de contamination établi pour eux, aujourd’hui. Pour les animaux, on parle donc de structure de contamination ».
Toujours est-il que ces résultats d’analyses ont permis de montrer que la « structure de contamination » des bêtes était « la même » que chez les humains.
On retrouve là encore beaucoup de terres rares. Chez les êtres humains, on peut imaginer que ça puisse venir des nouvelles technologies, de l’utilisation d’un téléphone portable avec une vitre brisée, par exemple. Mais pour ce qui est des animaux… C’est vraiment très étonnant, ces résultats !
La source de cette contamination, et son fonctionnement, demeurent pour le moment très obscurs :
On est en face d’un problème de source environnementale, c’est sûr et certain. Mais c’est obligatoirement un problème multifactoriel. Il faut savoir qu’on retrouve ces mêmes profils dans d’autres contextes : des contextes urbains, notamment, où il n’y a pas d’éolienne
Un « problème environnemental multifactoriel »
L’association ToxSeek urgence assure cependant avoir l’intention de communiquer « ces prochains jours » sur le sujet :
Ce multifactoriel, on commence quand même un peu à le dessiner. Mais ça, je ne peux pas vous en parler tout de suite… Ce qui est inquiétant, c’est que ce profil est associé à des pathologies graves. Je pense qu’on a mis le doigt sur quelque chose de très lourd.
L’association ToxSeek urgence veut donc mettre en place « un grand programme de recherche ».
On va rechercher ces profils [de contamination] dans la population mondiale, pour pouvoir les rattacher à une des questions environnementales et de santé. Et à partir de là, on espère pouvoir trouver les sources et le fonctionnement [de cette contamination]. L’objectif étant de savoir comment on peut maîtriser ce risque.
Des plaintes vont être déposées
Les éleveurs de Nozay, soutenus par l’association ToxSeek urgence et par Eddie Puyjalon, président national du Mouvement de la ruralité, préparent désormais avec leurs avocats des dossiers pour des dépôts de plaintes dans les deux mois qui viennent.
Intoxication aux terres rares : ce que dit l’Anses
Il existe actuellement assez peu d’études officielles encore sur ce sujet de la toxicité terres rares. Et il semble qu’il n’y en ait aucune encore sur le dangereux cocktail composé par une exposition simultanée aux terres rares et à des champs magnétiques importants (proximité d’éoliennes, d’antennes de téléphonie mobile ou encore de ligne très haute tension).
Sur le site de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), on peut toutefois trouver un bulletin de veille scientifique daté de 2008-2009 et intitulé « Les effets neurotoxiques des terres rares : avancées récentes« . Dans la conclusion générale, on trouve la confirmation de la toxicité de ces minerais. Et il y est notamment écrit :
« Il est donc probable que le nombre de cas de contaminations des milieux naturels par les terres rares ira croissant en raison de la croissance exponentielle de leur production et de leur utilisation. Il est aussi prévisible que les cas d’exposition humaine à ces éléments chimiques, sous leurs différentes formes, pourront survenir avec une plus grande fréquence. Or, des études épidémiologiques, effectuées en Chine dans les régions où le fond géochimique en terres rares est élevé, ont révélé des troubles du développement neurologique chez l’enfant. […] Il convient d’être vigilant quant à de possibles impacts environnementaux et sanitaires liés à une utilisation plus massive des terres rares dans les années à venir.